Ștefan Doru Dăncuș «est un jeune écrivain polyvalent, poète,prosateur,essayiste,journaliste,publié dans de nombreuses publications littéraires.
Détenteur de plus de 40 prix dans divers concours littéraires nationaux,l’auteur a publié divers livres de poésie,des poésies-essais, de la prose dans lesquels son besoin viscéral d’amour et de justice occupe une place centrale .
« Scrum »-« Cendre » est le titre de son dernier volume de poésies, publié en 2010 aux éditions Grinta de Cluj-Napoca.
La version française appartient à la poétesse et traductrice Hermine Cîmpean qui a su bien résoudre le dilemme pas si simple d’une traduction dans une autre langue, en s’occupant tout aussi bien du sens mais aussi des équivalences sonores ou rythmiques.
Le critique Adrian Botez souligne que dans ce volume « le poète parle (avec une rare décence, pour des tels titaniques efforts de confession, de clarification des ténèbres et de l’aveuglement,des efforts du visionnaire, de la part, quand même d’un Etre humain !) - ce que nous (en général et par hypocrisie!) nous taisons,anesthésiés et lâches . Le « Cendre » est un état cosmique,terrestre et humain,en même temps – l’état de folie des incendiaires, mais aussi l’apocalyptique promesse qu’après le passage par le feu VIF, les cendres ressusciteront en « autre chose »…. ».
Cet auteur écrit une poésie – action,dirigée vers le monde social,d’où son caractère démonstratif,sonore, sur un ton politique ferme de tribun : « je travaille comme un esclave en Roumanie » or « de plus l’europe vient me visiter/je suscite son intérêt en tant que Sisyphe ». Le livre est une vraie insurrection,véhiculant un message brutal concernant les phénomènes d’une actualité ante et post Ceausescu : « tout mon pouvoir a été trompé /soit par Ceausescu soit par les chefs de la littérature roumaine ».
Dans cet Ego-Show l’auteur intercale des séquences biographiques de la marche du monde dans un désordre bohème, sympathique, mimant la confusion ambiante.
Dans cet enfer il n’y a que l’amour qui vaut quelque chose : tard dans la nuit je m’allonge à côté de ma femme/je me plie comme la queue de sirène/seule ma poitrine touchant ses ailes d’ange » contrastant avec « dès ce matin l’enfer est sur la terre:l’enfer c’est la courbure de la lettre où je me cachais la veille/l’enfer c’est le jour où vous allez au travail ».
Nous nous trouvons devant une poésie directe,du risque immédiat,visant un public avec lequel il est soit en osmose soit en guerre. Le spectacle est un puzzle presque complet de problèmes idéologiques, le poète excelle dans un art sociologique : « je vais abandonner ma peau de ver/dans l’escalier de l’immeuble/car demain aussi j’en aurai besoin/garde ton visage mon amour/cette nuit la courbe de la fatigue va jaillir au dépourvu/du graphique et il va se ficher pour toujours dans mon dos ».
Une ferveur dionysiaque nous envoie à Dieu des extases mais aussi à celui des incertitudes de toutes sortes : « mon sang est un Jésus multiple » or « rien que cendre suis-je à tes pieds Jésus /en vain j’ai conquis le monde/le monde ne voit pas que je suis une flamme/il ne sait pas que je deviens pierre pour une autre source/pour un autre autel/pour le passage d’une autre rue où tu marcheras dans un autre Jérusalem/Tu respireras la brûlure/d’autres corps-pas ces poèmes/cette poignée de cendre dispersée sur Tes sandales ».
Le ton rhétorique nous mène à la sensibilité, à la subjectivité de l’auteur qui dépasse quand même le seuil de la simple confidence(comme Victor Hugo qui dans la préface des Contemplations affirmait « Quand je parle de moi, je parle de Vous ») : « ils ne s’arrêtent plus devant moi/devant la table où je caresse ma barbe de poète roumain/tous s’en vont/je les regarde-ils font semblant de ne pas me voir./ils sont l’avenir ils se rencontrent derrière les immeubles gris/ils écrivent des poésies phénoménales ».
Le ton amer contient des prophéties. La condition de l’écrivain mène à un mal métaphysique qui ne l’empêche pas de ressentir le besoin messianique d’éclairer les ténèbres, manière romantique à lui d’aborder la poésie.
Derrière « le cendre » le poète devine un avenir prometteur qui le situe dans un engagement religieux ou idéologique semblable à des mentors de la taille des poètes comme Eluard, Prévert,Senghor ou Aimé Césaire(celui qui souhaitait « de plonger dans la vérité de l’Etre ») : « …dans l’escalier de l’immeuble/ j’y entends l’homme réfugié/ « 5 pièces/10 pièces,5 pièces/10 pièces /et je me rends compte que ma mort/ne bouleverse pas la marche chancelante de l’univers/personne ne me croit/quand je dis que mon geste de donner pour une vodka/à celui de la rue-justifie mon pas impérial/jusqu’au battement de cœur suivant » .
« Cendre » est le volume symbolique d’un monde deshumanisé : « je ne peux pas me sauver de la fosse du millénaire Ștefan Doru Dăncuș » .
Nous nous trouvons devant la poésie d’un homme libre, insoumis,qui dénonce les valets de l’idéologie dominante politique et aussi culturelle.
Ștefan Doru Dăncuș est un poète rebelle, une victime de la société comme toutes les autres. Mais il est en même temps le Scribe,donc il dérange : « le diable arrive chaque jour en démolissant les cinq/cents coupoles de mon esprit/il laisse toujours de la débandade après avoir/embrouillé les langues de la terre/dans la cornée de mon ciel/cloué comme je le suis il y a peu de chances que /j’élimine l’enfer des thermomètres du monde ».
Le poète parle de lui, de ses semblables, crache des vérités brutes au visage hypocrite de la société.
Confucius disait « qu’une conscience est la lumière de l’intelligence pour distinguer le bien du mal » .
Le poète est extrême et très convaincant dans sa révolte. L’ironie, l’amertume nous encouragent à le suivre plutôt Lui,Le Chevalier à la Triste Figure, et surtout pas des auteurs faciles qui se rient de tout et de rien : « le matin l’apocalypse c’est le soleil/je reviens dans la rue/je crie désespéré : « n’avez-vous pas par hasard une petite pièce ?/mes enfants crèvent de faim ! »/…. / « après avoir tout dit/ce jour-là/j’ai compris l’argent crasseux de la trahison./j’ai appris que j’étais assez riche pour ce jour-là ».
Certains poèmes sont enveloppés dans des silences monumentaux ou dans des vers sonores.
Le Poète dégage une robustesse morale, prêt à se confronter à toutes les blessures, toutes les extases, toutes les épreuves et aux malheurs d’un destin humain.
Poésie sincère dans laquelle le poète se sent obligé de soutenir tout ce qui est de plus profond dans la vie des humains : « la nuit tombe mon amour/il fait froid comme un polissoir qui s’écrase/au beau milieu de la giration maximale :Sainte Marie ,prie pour nous ! ».
Pour le poète l’amour et la poésie sont deux facettes du même mystère, celui de la Création.
L’émotion spontanée jaillit naturellement et le volume dégage dans sa totalité une impression de fluidité, de lucidité,les mots rendent la température du monde, fébrile, brutale, sarcastique, insolente.
La poésie est pour lui la patrie d’une mission poétique libératrice.
Une prière désespérée aussi, car derrière les mots se cache souvent un nostalgique Exilé dans son propre pays : « chez toi ma belle terre/il m’est trop difficile de revenir/les amis s’accrochent à mes manteaux de poète/je vais à l’hôpital pour des opérations et des piqûres/comme si ça pouvait sauver le monde/dans le bar où je m’arrête les gens examinent mes livres/avec peur ».
Les politiciens sont critiqués avec aversion car ils obligent à un exil, à une vie dans un paradis perdu.
Ștefan Doru Dăncuș est un auteur qui se donne à fond à son écriture, et qui par sa poésie,cherche des réponses à ses interrogations capitales concernant la condition tragique du poète et ses rapports conflictuels avec le monde( c’est un sorte de querelle d’un Sage avec le monde)
Le poète est une conscience vigilante et lucide dans un monde qui oscille entre la vie et la mort. Pour Stefan Doru Dancus le Poème est un support vital pour un présent disloqué.
Angela Nache Mamier