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Il faut imaginer le peintre Simon Gaon installant son attirail dans le charivari des rues de New York, sur un angle de trottoir de Time Square, de la 42ème rue, ou au milieu des manèges de Coney Island. Malaxant une matière épaisse, dans un joyeux furioso, il orchestre le tintamarre des formes et des couleurs. Les perspectives tanguent, panneaux publicitaires et détails sont emportés dans une explosion volcanique, ombres et lumières s’agressent et s’entrelacent, les couleurs chantent, grincent ou se répondent comme des instruments de jazz, jusqu’à l’accord symphonique qui unifie plastiquement l’ensemble, avec l’enfièvrement des griffures, striures, placages, estafilades laissées par la jubilation du combat. Peinture instinctive. Tempérament passionné. Pas de théories, pas d’ismes. La toile se développe naturellement, comme une plante, croissant sous la poussée de l’intuition. Sujets de prédilection : tempêtes, incendies, lumières de la cité, jardins luxuriants, grandes roues foraines, et pour les portraits : paumés, déclassés, sans-abri, prostituées, philosophes de cafés, consentant à poser une heure ou deux. Quelquefois la toile est terminée à l’atelier, mais l’impulsion première est toujours donnée par la confrontation au motif, le bain dans les vibrations de la vie.
Simon Gaon naît à New York en 1943, d’un père originaire de Jérusalem et d’une mère d’Ouzbékistan. Ses parents séjournent quinze ans en France avant 1940. Quand Simon a 7 ans, le père abandonne la famille. Resté seul avec sa mère, il souffre de sa dyslexie. Un psychologue lui donne des crayons, qui vont décider de sa vocation. Il a 14 ans quand un professeur de peinture, qui va devenir son meilleur ami, lui fait découvrir Vlaminck, Derain, Matisse, puis Van Gogh, Soutine, Kokoschka, Van Dongen… « J’aime l’émotionnel, le sauvage. Je n’ai pas un tempérament réaliste. Les fauves et les expressionnistes : je n’ai pas besoin d’autre chose. » Plus tard, un voyage à Florence, puis, financées par un oncle généreux, quelques années passées en Europe, Paris, Amsterdam, Tolède, élargissent son horizon. En 1976, il organise un groupe de peintres en plein air, les Street painters, avec à leur actif une cinquantaine d’expositions dans diverses écoles et universités. Sa dernière série, une quarantaine de toiles, Lake and Sunset, flamboiement de couleurs chaudes, est un hommage spontané à Claude Monet.
« La peinture est un langage européen… pas américain » déclare Simon Gaon. « Rembrandt, Van Gogh ont un vocabulaire européen. Mes professeurs rejetaient la peinture abstraite américaine « bidon ». Américain, Gaon l’est en ce qu’il pratique une sorte d’expressionnisme abstrait sans abstraction. Et il est bien vrai, qu’avec son goût pour le travail de la brosse et de la matière, on peut considérer cet européen de cœur comme un héritier de Soutine, un cousin de Krémègne et Kikoïne, un représentant type du meilleur de ce qu’on appelle l’Ecole de Paris.
Xavier BUREAU
Exposition au Centre Rachi du 20 avril au 12 juin 2009. Vernissage mercredi 13 mai.