Dan Lungu -« Je suis une vieille coco » -les feux d'artifices de la vie! par Angela Nache Mamier

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  • Broché: 228 pages
  • Editeur : Jacqueline Chambon Editions (6 février 2008)
  • Collection : EDITIONS JACQUE
  • ISBN-10: 2742772774
  • ISBN-13: 978-2742772773
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    L’Association Dacia –Méditerranée m’a demandé d’animer la rencontre de l’écrivain roumain Dan Lungu, invité à la bibliothèque municipale de Frontignan.

    Un jour avant on m’apprend le décès de mon unique et très cher frère, donc cette rencontre a eu lieu sans ma présence et j’imagine une certaine déception de l’écrivain

    J’ai décidé de faire quand même « cette présentation virtuelle », pour que nous ne restions pas sur  un goût amer. Après coup, je vous invite de lire ces lignes avec ma façon à moi de me battre avec le tragique destin que la vie a réservé à mon frère, parti si jeune et si soudainement.

    Dan Lungu est né en 1969 et actuellement conférencier à la Faculté de sociologie de l’Université Al.I.Cuza de Iasi.

     



    Il a débuté tout petit, terminant son premier texte sans même savoir écrire . Il avait recopié un poème dans un manuel, reproduisant chaque lettre sans la comprendre. Puis il a dévoré la bibliothèque familiale etc.

    Rédacteur de revues culturelles, poète , dramaturge, lauréat de nombreux prix (dont le premier prix du concours « Rue des Poètes » à Lille en 2003),

    lecteur assidu de Peter Handke, Elfriede  Jelinek et de Michel Houellebecq.

    Il a une bibliographie riche: 5 titres en roumain et 3 œuvres publiées en français: La Révolution des cure-dents (Anthologie Les Belles Etrangères, éd.L’INVENTAIRE ,2005), Le Paradis des poules , éd.Jacqueline Chambon , oct.2005 , Je suis une petite coco, Jacqueline Chambon février 2008.

    Auteur traduit en Hongrie, en Autriche, en Espagne, en Angleterre, enAllemagne, l’auteur a été invité en France pour l’opération « Les Belles Etrangères  ».    La revue littéraire Lire lui A a rendu hommage en ces termes :(…) Dan Lungu est l’un des premiers écrivains roumains de la nouvelle génération à parvenir jusqu’à nous. Sous-titré « Faux roman de rumeurs et de mystères » son Paradis des poules est à découvrir de toute  urgence. Ce premier roman dit long sur la Roumanie d’hier et d’aujourd’hui. Bienvenue rue des Acacias, dans une banlieue provincilae ou personne ne se serait permis de sonner à la porte du Colonel » sans une bonne raison, sans avoir quelque chose de grave et d’urgent à dire,et pas uniquement pour rapporter une histoire, aussi sensationnelle ou amusante fût elle »…

    En nov. 2005 Alexandre Hillon intitule son article : « Lungu, un sociologue dans le poulailler »(sic !)

    Dan Lungu est né à Botosani, ville des jardins et des grands parcs, le chef lieu du judet de Botosani , située au nord-est de la Roumanie, avec 115069 habitants.

    Des vestiges archéologiques sont les temoins d’une vie sociale depuis  les temps les plus reculés.

    Le Paradis des poules est le premier roman de Dan Lungu traduit en français. Les habitants d’un quartier modeste de Bucarest sont les « volatiles humains ». Le regard scrutateur de l’écrivain – sociologue rend la rue des Accacias très représentative de la vie à grande échelle du peuple roumain, avec ses mystères, ses histoires, très touchantes : » il y a le bistrot du « Tracteur chiffonné » où l’alcool coule à flot et à crédit, la vie des habitants surpris en pleine transition trouble du communisme au capitalisme,le bavardage les réflexions persiflant l’avant et le maintenant M’Covalciuc : « Maintenant , même eux, les travailleurs , ne se serraient plus les uns contre les autres, avec chaleur, comme ses poulettes,ils allaient chacun dans leur coin dans le privé, c’était peut-être pour cette raison qu’il avait un jour prié pour arriver au paradis des poules. Une tristesse tiède le submergea, lui faisant monter les larmes aux yeux »

    La ville de Botosani est mentionnée la première fois dans la Chronique de Bistrita, au carrefour des résidences des princes moldaves,lieu d’échanges et artisanal. Une ville avec une riche activité culturelle ,qui a donné des noms inscrits dans le patrimoine national  et universel , avec des habitants célèbres : Le poète Mihai Eminescu (1850-1889), (notre Victor Hugo national), Nicolae Iorga (né en 1871),le plus grand historien roumain ,dramaturge, écrivain,qui compléta sa formation à Paris . C’est le Michelet roumain, grand voyageur , polyglotte, assassiné par la Garde de Fer .

    Le critique Jean-Pierre Longre met en évidence les qualités d’écrivain remarquable de Dan Lungu : « une émotion équivoque,une nostalgie réelle, une gouaille réjouissante, le bonheur, le malheur, les amitiés, les jalousies, les colères , le pittoresque…Le Paradis des poules est un roman où, dans tous les sens du terme et dans toutes ses dimensions , on n’échappe pas à l’humanité et où l’humanité ne nous échappe pas » .

    Alex.Fillon (Lire nov.2005) : « Dan Lungu est l’un des premiers écrivains de la nouvelle génération à parvenir jusqu’à nous. Sous-titré « Faux roman de rumeurs et de mystères » , son Paradis des poules » est à découvrir de toute urgence « …Ce premier roman hilarant en dit long sur la Roumanie d’hier et d’aujourd’hui…Ce roman a été rédigé très vite, à la main , pendant un été…

    L’auteur se réclame d’un néoréalisme microsocial »,une sorte de réalisme naïf . En effet on peut constater l’influence d’un réalisme littéraire mais aussi cinématographique, avec une volonté affichée de décrire la réalité telle qu’elle est ».

    Dan Lungu fait partie des écrivains qui prend la responsabilité historique de laisser parler le peuple dans un langage qui calque la langue de tous les jours. Les personnages vivent une transition trouble, lourde de sens divers . Ils libèrent des tensions, des inquiétudes ,par la parole ,à travers leurs anecdotes inspirées de la réalité et des problèmes sociaux .Ils ont traversé l’horreur d’une dictature et tentent de se  reconstruire et de bâtir vaille que vaille un avenir.Nous sommes en plein Pavese,Calvino,Moravia…

    Quelles étaient les humeurs des Roumains après un débat public paru dans la presse en 1998 ?

    Beaucoup affirmaient que c’était mieux du temps de Ceausescu !

    Le 25 décembre(date de sa mort) et le 26 janvier(date de sa naissance) il y a encore des manifestations commémoratives et de sympathie à l’honneur du Conducator qui aurait eu aujourd’hui 90 ans !

    Certains Roumains ont eu des  réponses très  révélatrices :

    « Même s’il avait fait du mal,l ne fallait pas le tuer comme un chien ! »

    « De son temps c’était mieux ,je prenais des vacances,aujourd’hui je ne pense qu’à nos dettes »

    « Aujourd’hui les gens meurent encore plus de faim »

    « Je pense que ceux qui le regrettent ce sont ceux qui avaient une bonne situation »

    « Maintenant  je mène une belle vie.Elle ne se résume qu’à un travail ,un salaire,des enfants.

    « Un grand changement dans la liberté de la parole,mais pas dans le pouvoir d’achat…

    Dan Lungu fait figure( dans son dernier roman « Je suis une vieille coco »)de spectateur engagé.Sartre disait :la fonction de l’écrivain est de  faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne s’en puisse dire innocent »(Qu’est-ce que la littérature)

    Dans « Je suis une vieille coco » ,Dan Lungu continue d’examiner la mentalité des gens qui restent imprégnés par le communisme.Ce roman fait sourire,rire aux larmes,fait réfléchir.

    C’est un miroir où le commun des mortels se reconnaît. A l’origine ce paradoxe :comment des gens qui ont survécu à une dictature peuvent-ils être à présent ;quel est le mécanisme psychologique de cette humeur qui peut en surprendre certains ?

    Dan Lungu a pris le risque de déplaire aux anti-communistes.Le titre paraît sévère ,ironique,mais correspond à une réplique d’une vieille dame nostalgique,qui ne manque pas d’humour.

    Il surprend les échos occultes du quotidien ,avec une verve de grand conteur qui réussit un superbe roman.Celui qui le lit a l’impression de regarder un feu d’artifices.L’auteur met en évidence l’intelligence brillante,la sagacité et la malice de l’esprit humain et tout cela dégage un lyrisme sobre,,viril et charmant.Mircea Iorgulescu  met en évidence une métaphore épique comparable avec le cinéma de Kusturica dans Underground

    A son talent indiscutable se rajoute l’habilité très percutante du sociologue.

    La Roumanie profonde peut être amusante,irrationnelle et fascinante.En pleine dictature on fait la queue pour tout,de l’huile du papier toilette et du  pain.Ceausescu ,Le Génie des Carpates ,conçoit des plans pharaoniques et la police politique est aux aguets.Et les gens dans tout cela ?Ils inventent des blagues sur Ceausescu et rient à gorge déployée.

    Ils sont heureux de son exécution ,mais paradoxe ,après sa mort,Emilia Apostoae,la sympathique et énergique héroïne de ce roman, tombe dans la nostalgie et regrette le règne communiste et Ceausescu .

    La Roumanie profonde peut-être à la fois ridicule,stupide et intéressante.

    Dan Lungu fait preuve dans ce roman  de rigueur ,d’assiduité, de sympathie ,d’humour et voue une certaine admiration pour ses personnages.

    Il arrive à réunir tous les paradoxes de la vie des Roumains,surpris par la chute ,c’est plein d’amour ,de pitié » ,d’éclairs, de mains tendues ,

    parce que l’espoir c’est la vie . Maupassant disait dans la Préface de Pierre et Jean : « Le réaliste s’il est un artiste,cherchera non pas à nous montrer la photographie banale de la vie,mais à nous donner la vie,mais à nous donner la vision la plus complète ,plus saisissante,plus probante que la réalité même »

    Son roman est composé de multiples touches de prose directe qui dévoile le chaos de la transition de la Roumanie vers la société de consommation,l’enfer moderne…de l’être humain vu tel quel « sans tricherie ».

    Dan Lungu manie bien l’écriture dramatique.Il prend un temps d’arrêt sur le foisonnement des faits et des images qui préparent un avenir  s’annonçant mécanique,pragmatique et trop brutal pour les anciens…

    Dan Lungu a une approche humaine et poétique du monde.Il aime ses personnages ,les décrit avec volupté ,car le destin des humains est une vraie dominante de son écriture ;

    Le texte EST dénué des lourdeurs ,fluide et envoûtant .Il joue le  rôle  heureux de visionnaire du réel.

    Le livre transmet une certaine joie d’exister .Ses personnages sont tous de mille façons habitants et habités ,ici et ailleurs .La joie et la souffrance coulent dans les veines du texte.

    Des événements familiaux ou collectifs ,l’auteur en retient et en souligne les aspects cocasses ou discrètement tragiques.

    La vigueur des personnages laisse flotter une immense espérance et le plus récompensé,est le lecteur qui sera intéressé et ému tout le long de cette lecture.

    Auteur tempétueux Dan Lungu s’inscrit dans une écriture puissante ,dans le trop-plein profond du texte.

    Je n’ai pas pu lui poser de questions dans une interview (qui se voulait « spontanée » ce jour-là ). Je voulais lui soumettre ces questions par surprise  et j’ose espérer qu’il va y répondre un jour. Les voila !

     

    INTERVIEW en attente… 

    1° Ecrire est-ce une contrainte ? 

    2° Si le récit peut féconder le réel qu’est-ce qu’il peut faire naître ? 

    3° Qu’est-ce qui déclenche l’écriture ? 

    4°Quel est le mot le plus important pour vous ? 

    5°Bâtissez- vous livres avec une architecture pré-établie ? 

    6° Ouvrez nous un peu votre « fabrique d’écritures » ? 

    7° L’écrivain peut-il rendre le monde meilleur ? 

    8° Pourrait-on dire que l’enfance est l’élément fondateur de votre écriture ? 

    9° Comment percevez –vous le monde qui nous entoure ? 

    10° Qu’est-ce qu’un écrivain selon vous ? 

    11° L’écrivain est-il un grand alchimiste de la réalité ? 

    12° Vous  êtes vous immergé très jeune dans la lecture et l’écriture ? 

    13° Quelles sont vos relations avec le temps ?