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Claude Albarède écrit avec l’encre du temps dans une certaine sérénité et avec le sentiment lucide que tout s’anéantit, tout périt, tout passe.
Les éléments de la nature restent; il n’y a que le temps qui dure. Rio di Maria détecte dans "la Dépensée"(éditions L’Arbre à paroles, 2009) « une vision d’un poète hors la ville. Quatre saisons de l’année-ou d’une vie ?-embrassent la profusion d’éléments de la nature ». Eloigné de son pays, le poète ressent fortement l’instinct qui l’y rattache :
« Est-ce lui qui revient
à la cime des vents
qui retient sa durée
comme cette écriture
et doute de la terre
alors qu’il est racine » (le pays)
Chaque instant de la vie est un pas vers la mort, cette vie au goût de lait et de miel, la vie des aïeuls, les morts qui nous aident à vivre :
« La- haut dans les clapiers
La dernière fenêtre du monde
S’appuie encore sur des fleurs
Le long des ruines nous découvrons
Qu’un regard étincelle entre les pierres »
Il revoit avec les yeux de l’enfance ,un Eden perdu à jamais. Les joies sont ineffaçables. La vie est un long chemin de la naissance à la mort et la poésie prolonge toutes ces images, les éternise :
« Sur les buissons il égraine en passant
La nostalgie étoilée
Des pleurs l’effleurent
Ou peut-être la pluie qu’il voudrait boire »
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« En se penchant, sur son reflet dans les flaques… » (L’enfant)
L’auteur perçoit des mystères qui l’entourent, qui le dépassent :
« L’odeur du bois
Dit le mystère de l’arbre
Le vent dans la forêt
Est un effort pour comprendre
Et ce chemin qui nous traverse
Franchit aussi
Le pays du masque »
Il est aussi Poète solaire :
(L’été au Larzac ) :
« rues ardentes
Maigreur réglée de la source
A l’envers du pays
Un ossuaire
Il prend le vide au grenier
Les bêtes avec leur mufle
Contre la soif
Quelle durée aura le ciel
Dans les norias ? »
L’auteur réfléchit aussi à la condition d’écrivain . Ecrire, considère-t-il , est une contrainte comparable à celle du sportif qui veut parfaire ses performances : « C’est dire que ma poésie étant animée d’une perpétuelle exigence, même suivie d’efforts positifs; l’effort et la contrainte qu’elle nécessite en moi ne me donnent ni la parole ni la vie faciles.Mais c’est ainsi, et, pour mon relatif équilibre, je ne puis faire autrement. »
« Le mot attend d’être nommé
chaque chose l’exprime
dans la poussière du temps » (Le Mot)
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Tentons l’impossible
Pour capter l’émotion
Tout ce qui s’enterre
Se porte aux nues (l’appel)
"Chez moi l’écriture est déclenchée par une vision réelle ou imaginaire qui soudain me traverse et m’emporte . Il me faut la capter, la capturer, la faire mienne et, par le poème, la donner aux autres.Plus qu’une quête, mon écriture est une chasse, intime , Mentale, Sensible ou Transfigurée .
« Nombreux sont ces départs
toutes syllabes dehors
alors que le poème
demeure sur la porte »
Pour Claude Albarède , le mot le plus important , c’est la Terre , dans toutes ses significations, concrètes , symboliques , matérielles, spirituelles….
« Seule dans son lit
Epousée sans possession »
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« Et va là-bas
Au bout du paysage
Pétrir un corps de limon
Pour le rouler jusqu’à la mer » (La rivière)
L’auteur reconnaît que « (son)enfance, passée dans les garrigues de l’arrière-pays héraultais, a nourri les germes de l’écriture poétique.Je l’ai trouvé à la fois contrasté, rugueux, intransigeant et d’une grande richesse intérieureavec des exigences de sources et de parfums » :
« Entre rocs et racines
entre deux livres
qui brûlent »
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La source
Aussi moqueuse que le serpent »
Cette terre lui dicte une éthique et une esthétique, où l’humain faisait corps avec les éléments naturels, où la dignité s’élaborait dans la modestie et le courage, sans soumission ni renoncement :
« Autour de cette pierre
Que les vents ont gravée
Profondes pensées du roc
Sillons peuplés de graines » (Le menhir)
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« La vie
qui ne remonte pas
vers la montagne
où les sources l’appellent »
Le champ sémantique se trouve tout axé sur la terre, l’eau, le soleil, le vent,des archétypes des situations où se trouve l’homme. Le symbolisme de la terre chez le poète (la garrigue,le nuage,la montagne etc…)s’intègre dans la familiarité de notre espèce, récapitule de la naissance à la tombe, du limon au menhir,t outes les traditions perceptives(intimes et extérieures) de l’humain.
« Tentons l’impossible
pour capter l’émotion
Tout ce qui s’enterre et se redonne
Dans le chemin
Imprenable du monde
Comme cette pensée
Qui vole autour des hommes » (Le don)
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« ouvrons –nous au grand air
le vent remplit les mots
étourdit les syllabes » (Le geste)
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Claude Albarède a reçu le Prix Aliénor 2008 pour le volume "Fulgurante Résine". Auteur né à Sète (longtemps lapeyradois), professeur de lettres, c'est un poète dont l’œuvre a été saluée par Luc Bérimont «comme une œuvre de premier plan, avec son arrière-goût de pierre à feu et la retenue d’une eau secrète».
Avec plus de 15 recueils de poèmes au bout de sa plume, cet amoureux de la vie et des mots, vit la poésie comme un Oracle où la Divine Dame des Rimes effleure ses oreilles avec ses mystérieuses correspondances.