FRENCH POETRY

La nuit de l'hippogriffe VIII

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Disclosure - Révélation

 



nous ne sommes pas seuls dans le désert
comme les guerriers sans abri

et les traces de la licorne d'autrefois
imprègnent la voix amère des mortels enterrés vivants
ressemblante aux pierres bleues
d'un seul jardin aux pommes d'or
plus éloignées que les étranges mégalithes
sans souffle au-delà du ciel

les chemins abandonnent
l'ombre de l'hippogriffe en survolant
ses eaux blanches du silence
dont le sphinx mange inlassablement les échos
nous ne sommes pas seuls dans le désert

les îlots du vent tremblent griffonnés
toute la faiblesse de son essor
et n'étaient plus en mesure d'entendre
les récits des témoins qui ont été perdus
à travers les sillages de l'espace

la clairière des étoiles lointaines
affleure tardivement

en tant que l'hippogriffe plongeait
dans les ondes des cumulus

vu de derrière au poitrail ensablé
son souvenir s'éteignit ce jour-là
au solstice d'hiver.

M. OU LA FEMME D'AILLEURS. BORD D'OUBLI, par Jean Paul Gavard Perret

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M. OU LA FEMME D’AILLEURS
 
BORD D’OUBLI
 
 
Femme d’ailleurs, effacée de la fresque commune
Yeux errant dans le courant d’air de la gare de Valence
Et dans les sirènes des gourous
Pancarte tournée vers maldonne.
Soleil insolent sur ses disparitions
Et l’écharde rouge de sa gorge de bouvreuil.
 
Les ronciers gagnent l’enclos des mutismes
Et es pauvres réponses, les trous des haies.
Appuyée au vent elle avance dessillée vers l’éclipse.
 
 
Il est tard, il abandonne la délestée, la presque douce.
Dernière mue aux seuls passereaux
Qu’ils en fassent pitance pour leurs migrations
Laissant la place nue.
 
Parois et répons du versant lucide
Persiflage de sœur écho.
Franchir ce désert de raison chiffré de froid.
Le sable soulève les muselières :
Sous les phrases grises où est le point d’eau ?
 
Mots chuchotés
Bouche contre nuit
Encoches dans le mur
Au bord des ombres.
Matin perdu qui pénètre les os
Comme un enfant dans sa ménagerie de verre.
 
Le temps d’une image ou de son reflet
Ouvre un dernier mot
Fruit d’épilogue à la chair émue.
 
Prolongez le corps du fleuve
Fracturé d’éclats.
Dans le vif du tumulte intime
Le ressac aux saignées fertiles.
 
Allez plus avant dans ce corps à corps
Mêlé de violence contre votre peur.
Votre silhouette sous les salves.
Entre deux mondes
Le pont du récit noyé n’en finit pas.
Monte une lumière qui affleure au bleu de l’oubli.
 
Ne vous retournez pas.
Le son va être coupé
Dans la couche blanche de l’histoire
Coulée à même le corps et ses dramaturgies errantes.
 
Le silence vous efface
Eloignez vous de sa silice
Laissez sourdre les mots pour celui qui passe.
 
Ici les eaux se séparent
Plus loin, plus lente allez à l’équinoxe des oublis
Accordée au flux et au reflux.
Vos ombres vous poussent hors champ
Soyez la vigilante.
 
Hors sillage un vieil homme vous a parlé
A travers sa propre histoire errante.
Seul filtre parfois le chant de l’Aleph.
D’un adieu l’autre
Jardin de fable
Maison aveugle où cogne aux vitres une abeille ivre.
 
Les dernières phrases flottent orphelines.
Au fond des images, sépia d’une robe.
Aux vieux miroirs tremblent les secrets.
 
Au fond de l’impasse
L’ombre d’un fou sur l’asphalte.
Poupée de son dans un puits de fatigue.
Femme d’ailleurs effacée de la fresque commune.
 
 

EXEAT, par Jean-Paul Gavard Perret

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Ne sois pas triste au crépuscule si les anges au masque anonyme replient leurs ailes de satin noir sous un manteau de givre. La pensée bouillonne à la croisée du bleu de ciel et celui de la mer. Au centre l’île frémit d’aise. J’y pense à toi et cette pensée bouffe l’ombre. Brise encore ta chrysalide, brûle toi au désir : ni véritables, ni illusoires tes ailes sont d’orchidée ou de feu. Tu reviens de loin serrée dans ton costume d’éclipse. Le cœur en charpie combien de fois tu tournas en orbite autour d’un soleil passager ?
Mais ton temps est toujours libre et tes piques de foudre signent ton art de vivre. Il faut toujours oublier les trahisons pour ne pas se tarir. Ta nature est ainsi : éros de l’esprit qui reprend vie. Au milieu des jeux de l’oie truqués tu fixais le silence, il te faut poursuivre les miettes de feu. Dans le déchirement délicieux des phosphènes dorés monte ta quête sur le carrousel de l’absence où brille la lampe de la caverne du cœur. Ton corps à ciel ouvert, sois patiente. Revis ta vie, suscite tes folies artésiennes. Il faut toujours du temps afin que le désir torréfié ruisselle de lumière. Conserve la nostalgie de l’autre que tu ignores mais dont chacun de ses pas t’appelle par ton nom et imprime une entaille pourpre dans la nuit. L’attente est déjà plénitude. Dans les malles perdues nous sommes tous contenus..

La nuit de l'hippogriffe VII

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 L’étoilerie



Le temps n’est pas le bout du rêve
il est du rêve

contempla l’hippogriffe
et le désert gémit au-dessous de lui
comme une âme
à travers des vécus d'abandon

le temps prit des étoiles de plus en plus
cette tempête de sable en arrière de l’espace
et l’effet qui en découla
dans toute la maladresse du hasard

le son était tour à tour choisi par l’espace informe
dévoré paisiblement
quand il perçut le frisson du sable

le prône céleste tomba
parmi les murs du vent
qui sont astreints foudroyants
en donnant la matrice de formes abyssales

les pensées de l’hippogriffe accouchaient
lentement
ses novas de la solitude

La nuit de l'hippogriffe VI

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Abandon hope, all ye who enter here

 



l’Hydre tua d'un seul regard
quelques mortels et rajeunit
le sable devint gris foncé
puis rouge comme ses yeux
son visage d’enfer s’imprégna partout
et le désert soupira comme un vivant incolore
jusqu’au bout du monde

tout simplement
les épiméliades mangèrent
les pommes d’or empoisonnées
et l’oasis se métamorphosa,
tremblant longtemps

les âmes perdues
emportées par la tempête
restèrent sans équilibre

il n’y a aucune espérance dans le désert
sauf la Voix du Sable
sauf la Mort du Soi

et l’hippogriffe pensa aux sages peupliers noirs
vus sous d'autres cieux
écoutant la chanson des psamides insouciantes
alors ses ailes laissèrent tomber
une seule plume
comme un cri bleu
de solitude.



"Abandon hope, all ye who enter here" = "Vous qui entrez, laissez-là toute Espérance" (Dante in The Divine Comedy).

FRONTIERE. Qui que vous soyez vous êtes. Portrait de Marina. Mon attention, par Jean-Paul Gavard-Perret

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Saveur des mains, réseau d’heures sur l’opale des jours. Elle dresse des racines pour libérer la lame reflet d’une aube nue. Lignes noires afin de jeter la lumière en dentelles contre l’ombre.
 
Déchirée dans l’appel muet, presque impossible. Laiteuse elle devient la gerbe et porte sa maison. Mais de la vie suppliciée revient l’enfant en elle d’au milieu des orties bleues de la mer. Elle les arrache comme la mémoire à sa chair.
 
Drap ouvert à l’attente lorsqu’elle ferme le livre où chaque page blanche poignarde le cœur. Bouts avides de succion, odeur sauvage du féminin. Sur sa cuisse toute l’eau de la terre et contre la fracture, l’unique lèvre de l’onde.
 
Ne plus porter la mort au feu. Femme acidulée, acidifiée de menthe (dans sa sève les senteurs vertes), cheveux léchés de flammes. Elle est ceinte de sable, les parfums des ravines en gifles sur ses joues.
 
En ses verticales noires, la lumière encercle la nuit . Ouverte par rafales, refermée de plus belle. Elle lave le temps entre l’asphalte et le cri de la meute. Glacée, elle ordonne ses mots à même le vent des jachères. Défi même si jamais l’extinction des brasiers.
 
Elle écarte l’horizon à travers la jungle de ses traits. L’enfant en son ventre étire l’arc-en-ciel du velours de ses doigts. Du mouvement des feuillages au secret de la mer elle appelle les savanes de sa vie, les déserts. Elle vit un à un les battements de cœur de celles et ceux qui firent sa vie un cristal.
 
Demain tel un raisin croulant de graines ? Un sel éclaté en givre que les os et les peaux retiennent ? Soleil éventré,  ruissellement d’elle. Par les doigts magiques de ses lignes elle noue et renoue l’ivraie comme l’ivresse du monde. Venue d’un pays où jaillissaient les eaux d’un mouvement de lèvres, elle reste la femme enduite d’aurore au mutisme obligé.
 
Ses lignes élèvent leur lanterne. Algues, coupures de l’ombre. Quelque part un homme tire encore son filet d’agonie. Comme un poisson dans le piège. Quel couteau pour l’en sortir tandis qu’elle s’écrase le cœur ?
 
Faut-il qu’elle touche sa vulve pour vomir sur celui qui est parti en murant ses fenêtres ? Mais celles-ci reviennent, grimpent sur les murs. Tiédeur même si les visages surgissent encore des sables en buée imprécise.
 
Quelqu’un lui crie : Nomme le, n’écoute pas le noir, sinon celui de tes traits dont peut venir l’oubli. Elle est la femme qui lave chaque vague,  avec en mains la battoir de ses pages.
 
Un jour la mer entra entre ses cuisses : aucun homme n’avait jamais procuré ça. Pâle et prise d’aube, sa gorge fractura le mutisme, portée au milieu de l’eau par ses arbres qui montent encore dans ses images.
 
Peu à peu la vieille côte s’éloigne, le désert reverdit. Elle chante des gouttes blanches dans ce qui tient encore d’un rêve de larmes. Elle réinvente une terre et un passage.  Elle perd un à un les mots qui tuent. Elle offre à sa vie un temps de porcelaine.
 
L’ombre se desserre de sa nuque. A la nuit elle vole une corbeille de figues, ses bras s’apaisent. Gris d’estampe entre le réel et le rêve. Le vent pousse le sable. Le feu étreint le maquis. Sa maison résiste de tous ses murs.
 
Hanches nettes, elle parcourt l’avenue et emprisonne ses larmes dans ses poings. Elle dessine un autre arbre de vie, fine chenille d’ombre au creux épousant la lumière. De la pointe du graphite aux feuillets pas de mots : la grammaire dit ses aisselles.
 
Inverser l’ombre, y laisser le côté douloureux qui ne quitte jamais . vieille fatigue de l’espoir.  Réduire le bonheur à l’espace d’un petit coquillage c’est déjà aller de l’avant dit-elle à la mer.
 
Peu à peu elle coud bout à bout l’ensemble de ses ruines pour en refaire sinon son village du moins le frottement des chaises sur le seuils des portes. Elle y écoute le bruissement des voix anciennes mais les cicatrices se ferment. Au delà des fantômes elle retrouve un goût de peau qui traverse sa chair.
 
En rêve elle cherche le loquet de la porte. Fenêtre saisie de lune. Le corps étourdi. Elle retire la nuit ayant assouvi son passé. Elle coule vers l’été.
 
D’autres mains jusqu’à l’ouverture du sang, mots offerts réduits aux lenteurs de la langue. Halètements d’eau. Femme jambes. Pour une nuit de lune lâcher l’encre. Pâleur au cou. La maison tremble. Frisson de peau arraché des larmes. Jet de chair. Pas de taches. Infime virgule d’eau comme une perle pour éclairer l’obscur. Nervure de chair jusqu’à l’aurore. Pour le parfait silence.

MARINA : ARBORESCENCES, par Jean-Paul Gavard-Perret

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à M.N.

  
  


Qui n'est pas poursuivi par le fantôme d'un arbre ? Autour de lui louvoie une forme de volupté. Souvenirs de la caresse du regard sur l'écorce, désert de quelques mots. Marina Nicolaev entre en sa vibration, rebondit sur sa "peau" à cette “ croisée ” impossible des chemins entre terre et ciel. Pénétration et épuisement, faille et présence. Quelque chose dépasse : il ne s'agit pas de remonter le temps mais de le déplacer.

A sa manière l'artiste écorce l'écorce, l'écorche. Elle se laisse emporter à des compressions ou détentes de sa matière ligneuse et si le tronc peut, pour elle, devenir l'axe violent d'un vide, les racines et les branches dans les trames créées par l'artiste donnent une sensation de vertige. L'artisye à une effraction végétale par une autre qu'on nommera plus cosmique.

Au sein de l'atonie de l'arbre elle crée des murmures. Des lignes surgissent une suite de silhouettes affolées qui viennent chatouiller le ciel en partant de la terre où la vie mais aussi la mort sont plantées.

Pour Marina Nicolaev l'arbre est ce qui rend perplexe, interroge, fascine et mine. Ill est bien L’arbre de vie mais parfois l'arbre de vie du vide où se tatoue le temps. L'artiste y voit la perte irréductible et la pérennité qui différencie le travail du deuil et celui de la mélancolie, cette mélancolie particulière où ne peut se reconnaître ce qui a été perdu qu'à travers l’écorce qui fait abîme.

Une voix cryptée résonne contre la matière dure ou plus diaphane dans laquelle la mémoire inconsciente le l'artiste crée des robes de noces. L’arbre imprime ainsi des sortes de symboles d'espérance et de réconciliation. Puisque par essence il attend.

A travers l'arbre Marina Nicolaev tatoue l’écorce du silence. Car ce qui effraye c’est le silence de l’arbre, son calme. Et parfois c'est ses vrombissements et son agitation frénétique. Ce qui effraye c’est notre propre peur de le jamais pouvoir être à sa hauteur.

Entre passé et futur quelque chose se conjugue. Et l'artiste sait qu'aller du tronc aux branches permet un passage, une lente infusion. Peut-être rêve-t-elle de disparaître, de disparaître dedans puisqu'au sein du temps humain l'arbre est le Revenant. Il est la transgression du temps, son ironie physique.

Certes l'artiste sait aussi que l’arbre ne peut l’arrimer ni à la terre, ni au ciel. Il n’est que ce transfert de l’un à l’autre sur l’écorce du temps qu’il dirige plus loin que son origine. Mais à travers lui Marina Nicolaev ressent de manière étouffée un appel. Devant lui elle est muette mais non immobile ou interdite car elle ne lui est pas soumise.

Elle pense à l'arbre de telle sorte que ce ne soit pas en une pensée qui la porte vers lui. S'affronter à sa matière ne possède rien pour elle d’un rituel indécis et flottant ni d’une préoccupation dérisoire. Ses arbres dessinés font ainsi ce que les mots ne font pas. L'artiste sans le savoir y grave des passages par aspiration intime, dépouillement absolu : c'est une manière pour elle de se révolter peut-être contre ce qui l'étouffe, l'asphyxie : l'arbre est son oxygène.

Et c'est à son regard que l’arbre se mesure, obéit, s'enfonce dans l'inconnu d'une vérité à saisir. Alors, à ce point, comment parler encore de l'origine ? de la continuité ? de la rupture ? Voir ici (en lui) le plus obscur passé - ou le plus insistant avenir. C'est ce que Marina Nicolaev explore afin que la vie rejoigne ce qui l'a empêché et qu'elle le dépasse.

Ouvrir encore ouvrir ce qui peut s’inscrire dans la clôture infime d'un cri d'oiseau. Sur la courbure de l'arbre, grâce à l'artiste, le soleil glisse, de ténèbre en ténèbre, et par les traits noirs, dans la plus grande clarté.

NORD SUD, par Jean-Paul Gavard-Perret

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Le froid de la ville s'écrit la nuit sur les rideaux de fer des magasins lardés de tags et d'inscriptions du type : « non à la misère ». Peur du lendemain. La ville chaque jours s'effondre un peu plus. A l'intérieur ça tient? Un chantier balbutie. Quadrillage serré de fenêtres, les montants ne sont pas encore dressés et demeurent empilés avec leurs vitres sans reflets. Feu vert, la voie et libre, ça klaxonne derrière. On ne veut plus avancer, ça suffit. On reste  pour vois le bordel que ça produit. Faire corps avec cent autres regards de solitudes, des regards qui après avoir crié se lassent et se taisent. Mots d'aucun secours. Lignes. On dit qu'on est chez soi dans la ville. On dit. Peu à peu on se sépare des objets avant qu'on en soit séparé. Se dépouiller, il y a déjà en nous tant de résidus déposés à notre insu. La ville à l'envers dans une tasse de café noir par delà le ciel des vitres du bar. Néons roses de la boîte de travestis près de la gare. A peine plus loin une salle de cinéma d'art et d'essai vivote elle aussi. Puis plus loin encore, près du dépôt du chemin et fer et un bas-côté neigeux une sorte d'hôtel qui rappelle ceux de l'Amérique profonde  ou ceux des autoroutes où l'on couche une nuit dans des draps inconnus avant la sortie où il faudra présenter son ticket avant de finir l'espace qui sépare la fin de l'autoroute d(Algésiras. Terres froides même au sud de l'Espagne en hiver dans l'écran du rétroviseur. Passer le détroit abandonner pour un temps les chemins de mémoire pour la craie blanche de Fez. Dans le souk le ciel se réduira un carré bleu. Il faudra se frayer un passage entre les quartiers de moutons et les figues de Barbarie. De retour on reprendra la micheline, ayant renoncé à la voiture non par souci écologique mais par fatigue. Ballast. Le cul obscène  des maisons s'exhibent le long de la voie. Bjork dans le MP3 pour multiplier le regard et rejeter le silence à plus d'un jet de pierre d'où l'on passe. Lignes encore. Murs. A l?arrivée prendre le bus de la ligne 9. Dessus il est marqué « plage ».  Mais s'arrêter avant, là où la ville se décolore en sales traînées grises le long des pilons de béton, supports de l'autoroute qui mène aux stations. Chapelet continu des phares en pleine saison.

Afrique, par Jean-Paul Gavard-Perret

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dessin:MN 

 Grains de sables collés sur ma peau salée, odeur des algues.

Pièces de la maison striées par les ombres horizontales des stores baissés.

Odeur des gateaux au chocolat, odeur de l'eau de javel, celle qui montait du linge fumant que lavait Jeanne, son bébé collé contre son dos par les boubous. Je l'entends encore chanter très doucement pour m'endormir

Frissons de plaisir en repensant aux heures lourdes et ralenties des après midi à l'école, sous le grand baobab, à découper des images en en perforant le contour de petits trous serrés. Dans la cour de l'école je ramassais des chewing-gums, interdits à la maison, je les lavais au robinet avant de les machouiller, avec les grains de sable restés dedans!

Yassa de poulet dominical de Samba, notre boy, que j'ai vu pleurer assis par terre dans la cuisine, son bébé venait de mourir,  ma mère pleurait en le consolant, j'ai compris plus tard. Il a pleuré aussi, beaucoup, quand nous avons quitté l'Afrique, le laissant là-bas. Déchirements silencieux, encore douloureux, déchirements, mal au coeur.

Nous allions quelque fois nous promener sur le port de Dakar, regarder les bateaux arriver, partir. Fréquents voyages en voiture dans la brousse ou la savane; couchée sur la plage arrière de la 203 je regardais défiler les paysages, les arbres au dessus de moi, la route disparaissait dans la poussière... baobabs, termitières, villages de cases ocres...

Dakar, immeubles modernes de l'époque, maisons blanches et ocres, jardins secrets, bougainvillées couverts de fleurs, les arbres ont tous le tronc blanchi à la chaux, sable rouge dans les caniveaux . Le chemin de l'école passait par une rue bordée de jardins, de l'un d'eux dépassait un arbre qui couvrait le trottoir de jujubes, petits fruits rouges dans la main, grignotés. Sur les trottoirs la misère, les mendiants, certains ont les mains et le nez rongés par la gale, infirmes, suppliants... mal au ventre. Les grands rires africains qui commencent comme un chant rauque et aigu. Les odeurs, les couleurs. Les femmes, les sénégalaises, reines somptueuses et pleines d'humour...

  

L'archipel de la tendresse

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des voyelles de la nuit partout
sauvages sables mouvants
tempête de sable
comme une tendresse des aveugles
nourrie par des fous

toi et moi sans jamais être ensemble
en laissant dans l'eau
nos histoires passées
sans oublier l'archipel inconnu
sables émouvants
tes mains en dormant autour du son
de sa fulgurante
chanson

qui d'entre vous
n'a jamais rêvé d’un archipel si fragile
formé de deux mots
paradis perdu
parmi cette tristesse ressentie
dans l'oubli
sommeil de la voyelle
sans corps
sans abri?

gardons toujours pour nous-mêmes
dans ce royaume au bout des rêves
ce dernier sourire des anges en velours
pas comme les autres

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