INTERVIEW

George ROCA - "ESPACIO NIRAM, O OAZĂ DE CULTURĂ ROMÂNEASCĂ ÎN INIMA MADRIDULUI" - Dialog cu doamna Eva DEFESES

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DIALOG CU DOAMNA EVA DEFESES*


George ROCA: Stimată doamnă Defeses, colaborăm de mai bine de doi ani, timp în care am prezentat cititorilor noștri fapte interesante despre „fenomenul” creat de artistul plastic român Romeo Niram și grupul de prieteni care îl înconjoară. Legat de acest nume, aud din ce în ce mai des vești și ecouri pozitive: laude în reviste de cultură din Peninsula Iberică și România și desigur în reviste editate pe internet, „aplauze” pe YouTube, organizarea în Portugalia a unor evenimente dedicate lui Constantin Brâncuși, apoi o expoziție de calitate care unește arta cu știința, un trofeu MAC 2007 oferit revistei „Niram Art” de o prestigioasă Institutie portugheză de arte, și, mai recent, deschiderea unui spațiu expozițional, de relaxare și de dialog social în inima Madridului numit simbolic “Espacio Niram”.

 Espacio Niram, Madrid

 

Despre pictorul român Romeo Niram am auzit, deci, foarte multe știri bune. Maestru al pensulei, promotor cultural, a dus arta sa nu numai în spațiul european ci chiar și mai departe, în Australia și America. Am citit despre dânsul articole laudative în diferite reviste culturale românești sau străine. A adunat în jurul său mulți oameni talentați, nu numai artiști plastici ci și literați, critici de artă, fotografi și muzicieni. Eu aș numi această forță intelectual-artistică „Gruparea Niram”. Atât presa română cât si cea spaniolă au relatat laudativ deschiderea la Madrid a unui salon artistic sub patronajul lui Romeo Niram. Aș dori să îmi dați mai multe amănunte despre acest eveniment. Care au fost motivele deschiderii acestui spațiu la Madrid? Știam că Romeo Niram s-a mutat de curând la Madrid după ce a fost stabilit mai mulți ani la Lisabona, în Portugalia. Care sunt motivele acestei mutări?

Entrevista con el fotógrafo Bogdan Ater, Madrid 2009

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Entrevista con el fotógrafo Bogdan Ater, realizada por Yana Klotchkov Kuznetsova

 

¿Cuándo empieza a pensar en fotografía?

Me interesaba antes de estudiar Bellas Artes. La primera forma de expresar lo inexplicable o lo incomprensible, ha sido a través de la fotografía.
Mi primera cámara me la regaló mi tío cuando tenía diez años, me explicó cómo se usaba y me inició en la fotografía. Todo aquello me pareció fascinante, extraordinario. Me impactó el hecho de poder inmortalizar cualquier cara que yo eligiese y esa sensación creada por la captura de la inmediatez, porque cada momento es irrepetible, ¿no? Por eso dejé la pintura de lado como recurso específico y único dentro de mi trabajo.

  
  

 

Dan Lungu -« Je suis une vieille coco » -les feux d'artifices de la vie! par Angela Nache Mamier

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  • Broché: 228 pages
  • Editeur : Jacqueline Chambon Editions (6 février 2008)
  • Collection : EDITIONS JACQUE
  • ISBN-10: 2742772774
  • ISBN-13: 978-2742772773
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    L’Association Dacia –Méditerranée m’a demandé d’animer la rencontre de l’écrivain roumain Dan Lungu, invité à la bibliothèque municipale de Frontignan.

    Un jour avant on m’apprend le décès de mon unique et très cher frère, donc cette rencontre a eu lieu sans ma présence et j’imagine une certaine déception de l’écrivain

    J’ai décidé de faire quand même « cette présentation virtuelle », pour que nous ne restions pas sur  un goût amer. Après coup, je vous invite de lire ces lignes avec ma façon à moi de me battre avec le tragique destin que la vie a réservé à mon frère, parti si jeune et si soudainement.

    Dan Lungu est né en 1969 et actuellement conférencier à la Faculté de sociologie de l’Université Al.I.Cuza de Iasi.

     

    ANGELA NACHE MAMIER - Une muse venue de Roumanie, de Bernadette Dubus

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    Nous n'aurons jamais assez de place dans cet article pour rendre hommage comme il se devrait à Angela. D'autres l'ont fait avant nous, sûrement avec plus de professionnalisme, mais tant pis, jetons-nous à l'eau.

    La première chose que nous pouvons dire d'elle, et ça dès notre première rencontre, c'est qu'elle est belle. D'une telle beauté intérieure que tout son être en résonne. Elle parle avec un accent qui roule comme les cailloux du lit d'une rivière emportés par le courant. Son courant à elle c'est l'amour. Celui des gens, de son pays; la Roumanie, de la France sa terre d'adoption. Et surtout l'écriture. 

    Écrire, c'est la libération intérieure

    Angela nous dit : «L'amour des gens et la vie en général me motive et me rend nostalgique, donc créative et je commence soudainement à écrire

    J'ai dû me rendre à l'évidence que ma vie est plus supportable grâce à la poésie

    Dans Celebratio, j'exprime cet amour de la Vie,

    de la Terre, des humains,

    rien de nouveau en somme !

    Avec Dolor ou les deux volumes antérieurs j'ai réfléchi longuement à la mission poétique.

    Le Temps passe si vite: chaque parole doit retentir fort, chaque silence aussi;

    Sous la dictature j'ai pris ce risque-là!

    C'était une façon de résister derrière cette barrière de mots à un régime qui favorisait les lèche-bottes!

    Écrire c'était une exaltante façon de laisser un message, de ne pas me résigner au mutisme, à la solitude ;

    Vivre en France c'était inimaginable .

    Le destin a décidé autrement et Pierre Mamier est pour quelque chose...

    «Ecrire c'est la libération intérieure.» 

    Quand elle parle de poésie, Angela est intarissable. D'ailleurs, Angela est simplement intarissable pour tout. Et nous l'écouterions des heures. De sa bouche, il n'y a jamais aucune méchanceté qui ne sort, que des étonnements devant celle des autres, des enthousiasmes délicats sur l'existence, de l'amour, encore et encore. Angela, c'est la passion frénétique de l'écriture, l'engagement total de toute une vie.

    Et ce n'était pas facile, la vie en Roumanie du temps de la dictature. Laissons-la elle-même nous raconter...  

    Une seule vie 

    Emmurée dans la tour vieillie

    Elle essaie d'ouvrir la voie

    A des tas d'illusions. 

    Ceux qui l'achèvent

    Lui arrachent des sanglots.

    Coûte que coûte survivre

    Aux paroles dites du bout des lèvres 

    Et du mépris.

    Ses pas hésitent mais n'arrêtent pas

    De frapper les parois du tunnel fermé.

    Ce pays où l'amour, les vivres.

    Les paroles libres gâtèrent.Interdits et punis.   

    POSTFACE 

    Epreuves orales en France 20 ans après Ceausescu 

     

    La même remarque sympathique et multipliée par cent! 

    « Vous avez un accent... ?

    Vous êtes Roumaine, ah bon...

    Tout le monde parle français là-bas.

    Dites-moi c'était vraiment si dur.

    Je n'arrive pas à y croire 

    Ça ne pouvait pas être si terrible 

    Les médias exagèrent toujours, n'est-ce pas...? » 

    Ma réponse toute prête, très longue, 

    Toujours la même multipliée par cent !

    « J'y ai vécu, y ai survécu. Imaginez-vous à notre place : 15 litres d'essence par mois. 

    Cinq enfants obligatoirement par femme 

    -Jusqu'à 45 ans, pas d'avortements.

    Déplaisirs d'amour et comme résultat 

    Cent mille orphelins ou abandons d'enfants.

    Trois cents grammes de pain noir par jour, par personne.

    Quatre fois par année de la viande de porc.

    Des tickets ignobles de rationnement par mois.

    Un litre d'huile de soja, un kilo de sucre et de farine.

    Dix œufs, une pauvre margarine,

    Un parti unique, aucune liberté d'expression. 

    Voter de force pour les mêmes,

    Tout le monde sous écoute téléphonique, espionné.

    Des informateurs zélés.

    Frontières fermées, le pays agonisant.

    Coupé du monde volontairement, 

    Des gens persécutés à la moindre insoumission.

    Au moindre écart.

    Des punitions, des peurs au quotidien.

    Les tziganes écopaient de trois ans de prison

    Pour un pain vole, pour un gémissement.

    Le Samu ne se déplaçait plus après l'âge de soixante ans.

    Des villages rasés, des gens entassent dans des tours.

    Le peuple esclave, militaires ou bagnards.

    Erigeaient Palais du Peuple,

    Pharaonique,  visible de l'espace

    Comme la muraille de Chine.

    Rien que la porte de son bureau en bois précieux

    Mesurait cent mètres de hauteur...

    Il vendait en dollars,

    Pour ses comptes en banque à l'étranger.

    Les enfants de filles-mères à l'adoption. 

    Le pétrole.

    Les Juifs, les Allemands.

    Nous obligeant à nous serrer la ceinture,

    A trembler de froid.

    Sans électricité, au profit des industries. 

    Presse asservie, une culture ridicule au service

    De Ses paroles.

    Ses portraits.

    Ses discours,

    Le parfait dictateur, crétin-parano... »  

    Je reprends mon souffle, prête à continuer.

    Mais l'interlocuteur gêné s'essouffle.

    Il a largement compris cette fois-ci :

    «C'est incroyable...

    On est bien chez nous.

    Ça a dû vous changer.

    Une fois arrivée en France ? »

    Je baisse les yeux, fautive quelque part...

    Oui, j'ai eu cette chance-là, en effet...

    Mais ça c'est une autre histoire... 

    Celebratio 

    Le splendide lyrisme, à la mesure singulière, qui, dans les années 80, avait imposé en Roumanie, la voix d'un étrange ascétisme intime d'Angela Nache, d'une étonnante acuité dans« Miraculum », et qui se poursuivait dans « Femina » (qui aurait pu être vue comme un manifeste d'orientation esthétique nouvelle, car la poétesse s'attribuait l'initiative d'un courant nommé « femellisme », pas encore mené à son terme), se retrouvent dans sa création française la plus récente. Les attitudes antérieures se retrouvent ici reformulées en de nouvelles visions, plus larges, que la poétesse, vingt ans après, présente dans les volumes « Dolor» et « Célébration, lesquels consacrent le retour à la littérature d'un écrivain qui méritait une place bien définie dans le tableau de la littérature roumaine où la reconnaissance des valeurs dans leurs proportions naturelles se fera un jour prochain. De son œuvre, on a parlé dans le passé. On en parlera encore aujourd'hui, car cette œuvre, si elle n'est pas imposante par la quantité, a le poids des grandes présences esthétiques, qui s'affirme non seulement comme précurseur mais aussi comme auteur d'une construction bien définie, différente et unique. La poétesse dont la place est assurée dans la littérature de son pays d'origine, devrait s'affirmer dans sa deuxième existence littéraire, avec son lyrisme original et impétueux qui est sa marque personnelle indiscutable.

    Artur Silvestri, président d'honneur de la « Ligue des Ecrivains Roumains » .

    (Quatrième de couverture « Celebratio » 2008.)

     J'ai choisi de rester un écrivain roumain et j'essaie de continuer d'ici mon apport à la culture roumaine comme tant d'autres Roumains très connus en France : Anna de Noailles, Elvire Popesco, Brancusi, Tristan Tzara, Georges Enesco. Victor Brauner, Gherasim Luca, Benjamin Fondane, Cioran, Paul Celan etc...

    Mon manifeste littéraire «le femellisme» s'est imposé à moi dès le début.

    «Femellisme» vient de femelle, femme, genre féminin, ça veut dire que je me sens égale à l'homme, sans aucune envie destructrice : Mère Universelle, tigresse moderne, Génitrice d'enfants, digne héroïne d'un quotidien si difficile dans certains coins de la planète.

    Sans clairvoyance et sincérité, sans émotion, on ne peut plus être un messager viable de la poésie J'ai mis du temps à accepter mes nouvelles racines, que j'approche mes deux pays(d'origine et d'adoption).

    Celebratio est un aveu d'amour pour tous les deux car ils ont contribué si merveilleusement à ma naissance et ma renaissance.

    Tout cela a pris du temps, j'ai compris que je reste un écrivain roumain, chanceuse d'appartenir à deux cultures riches. Pour cela je vis aujourd'hui en France et je me sens bien car mes amis sont tous devenus franco-roumains ou l'inverse ! » Angela Nache MAMIER    

    Interviu cu Adrian Munteanu, directorul editurii ARANIA, Brasov, realizat de Loredana TUDOR TOMESCU

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    Rep: In Press Release sunt mentionate Marele Premiu și un premiu colectiv, dar pomeniți ceva si despre niște premii I, II si III. In ce vor consta acestea din urmă? 

      A.M.: La această primă ediție a concursului, cu sprijinul tipografiei Brastar, vom edita o plachetă conținând versurile celor șase finaliști. Așadar, ei vor debuta printr-un volum colectiv, într-o vecinătate concurențială și onorantă. Deținătorul Marelui Premiu va beneficia, prin contract, de editarea volumului de debut, eveniment care se va produce în cursul anului viitor. Există și alte câteva “daruri” pe care le vom oferi, în funcție de valoarea premiului obținut, finaliștilor. Este vorba de spații de publicare în revistele literare Cetatea Culturală (Cluj), Citadela (Satu Mare), Singur (Târgoviște) și Acum (on-line), cărți scoase în decursul timpului la editura Arania și câteva surprize pe care timpul le va adăuga în coșul laureaților. Până la momentul festivității de premiere, pot apărea și alte oferte din parte sponsorilor. 
      

    ESTHER ORNER DIALOGUE AVEC MAYA BEJERANO, POETE ET TRADUCTRICE

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    Esther Orner Notre rencontre qui remonte a plus de quinze ans s’est faite d’emblée autour de la poésie et plus précisément autour de la traduction

    Maja Bejerano A la suite de notre rencontre chez une amie commune, j’ai eu envie de mieux te connaître... C’est là que j’ai appris que tu étais écrivain et que tu traduisais de l’hébreu vers le français. Mais j’étais surtout ravie de rencontrer une femme créatrice et non seulement une traductrice.

    E.O. Pourquoi c’était important pour toi d’être traduite en français ?

    M.B. Depuis longtemps j’avais envie d’être traduite dans cette langue que j’aime tout particulièrement. Elle vient en deuxième place après l’hébreu. C’était après des années d’étude du français, d’abord à Jérusalem, puis à l’institut français de Tel-Aviv. J’ai beaucoup investi dans ces études car mon rêve c’était d’être capable de lire dans l’original des poètes que j’admirais tel que Rimbaud et Baudelaire. Je lisais aussi de la prose et des essais philosophiques toujours en traduction. Et puis on me demandait mes poèmes en français pour le festival international de poésie à Liège en Belgique.

    E.O. Il me semble que cet amour du français s’inscrit dans tes origines bulgares.

     M.B. C’est vrai, ça me ramène à ma grand-mère bien aimée éduquée dans la langue française pour devenir plus tard professeur de français. Ma grand-mère est née en Turquie et après son mariage elle à immigré en Bulgarie. Elle allait souvent à Paris. Et ici elle écoutait toujours la radio en français. Elle voulait aussi m’enseigner la langue.

    E.O. Revenons à notre première rencontre. Je n’avais rien lu de toi. Tu m’as aussitôt parlé de ton désir d’être traduite en français . Tu m’as envoyé ton livre Le chant des oiseaux et j’ai eu envie de te traduire.

    M.B. Effectivement. J’habitais alors à Bat-Yam près de mes parents avant de revenir à Tel-Aviv. J’étais contente que tu aies accepté de me traduire.

    E.O. Nous avons commencé à traduire ensemble. C’est toujours un plaisir de travailler avec l’auteur même s’il a une maigre connaissance de la langue tout en étant capable d’entendre et d’éclairer son texte. C’était un peu comme si tu me servais de dictionnaire hébreu- hébreu. Une sorte d’Even Shoushan et quand je ne trouvais pas l’équivalent en français, tu le cherchais dans le Cohen hébreu/français souvent nécessaire bien qu’il vaille mieux utiliser le moins possible un dico bilingue surtout pour la poésie.

    M.B. Deux ans plus tard je suis passée à Tel-Aviv. Nous avons approfondi notre amitié et j’ai proposé de te traduire à mon tour. Je suivais à ce moment-là des cours intensifs à l’Institut français. Cette traduction était donc pour moi un défi. Tu as proposé de traduire Petites pièces en prose très prosaïque. Une sorte de poésie en prose. Cela m’a permis de connaître un autre pan de ta création.

    E.O. C’était à mon tour de servir de dictionnaire. J’avoue que je le faisais de moins bonne grâce que toi. J’étais plus impatiente. Il y avait le problème du Vous intraduisible en hébreu. Ce qui était agréable dans notre travail c’est que rien n’urgeait. La question de la publication n’étant pas au cœur de notre travail.

     M.B. Très juste. C’était informel sans aucune contrainte extérieure Cela se faisait dans une réelle liberté et dans un climat ludique. On a passé des matinées et des soirées à table sans compter les heures de travail. Puis chacune chez elle retravaillait dans sa propre langue.

    E.O. Oui, nous avions la vie devant nous. Et surtout nous étions d’accord que chacun ne traduit bien que dans sa langue maternelle sauf exception. Exception qui n’était pas la nôtre. A ce stade chacune de nous avait le dernier mot. Ce n’était pas une traduction à deux voix, mais un travail d’éclaircissement pour que chacune puisse élaborer le matériel dans sa propre langue.

    M.B. J’avoue que j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler sur tes textes chez moi. Trouver des équivalents pour des expressions intraduisibles et même en inventer. Un travail à la fois exigeant et passionnant. Travailler sur deux langues si différentes et servir de passeurs entre elles. Ecouter la musique spécifique à chacune d’elle. La traduction comme révélation, une sorte de Merkaba. A propos de traduction je viens d’achever celle T.S Eliot avec beaucoup de plaisir. Il s’agit de ses Quartet.

    E.O. Les deux langues sont effectivement très éloignées même par leurs caractères qui nécessitent de lire de gauche à droite et de droite à gauche, de quoi fatiguer les yeux. Ce qui pour moi pose vraiment problème dans une traduction, ce sont les mondes culturels, même aujourd’hui à l’ère de la globalisation, il faut connaître ce qui est particulier à chacun pour aboutir à une lisibilité.

    M.B. Au cours de notre travail j’ai remarqué que tu avais un rapport privilégié à l’hébreu, lui donnant même une place primordiale. Tu révélais ton amour et ton admiration pour l’hébreu. Tu tenais à sauver ses particularités. Ce n’est pas habituel pour un traducteur qui pense surtout à la langue d’arrivée.

    E.O. Une frustration. J’aurais sans doute voulu être une parfaite bilingue. Ce que je ne suis pas puisque je suis incapable de traduire en hébreu. Nous avons beaucoup parlé traduction. Parlons un peu écriture. Ce qui m’a intéressée dans ta poésie, c’est d’abord ta langue très riche qui puise dans les sources des nombreuses strates pour dire le temps présent. Ta poésie parle à la fois de sentiments humains, de l’amour, des sciences, de technologie, du cosmos avec simplicité. La force qui s’en dégage se traduit par une langue claire et rigoureuse.

    M.B. Moi aussi je voudrais parler de ton écriture, plus précisément de Petites pièces en prose très prosaïque. Ces textes fragmentaires m’ont immédiatement attirée à la fois par leur simplicité et leur vitalité. Pas de drame, à peine une narration. De l’humour souvent au second degré. On pourrait dure que leur force tient par une certaine théatralisation de la réalité. On dirait l’œil d’un photographe qui traque de petits instants de vie sans avoir l’air d’y toucher. Et pourtant ces textes parlent du passé, de la mémoire, de l’avenir et des sentiments. Le tout passant par une recherche stylistique… Pour moi traduire ces miniatures au rythme musical a été une vraie leçon, surtout en comparant ton travail à la littérature israélienne actuelle qui se signale davantage par le bruit et la fureur. J’ai appris la retenue, la primauté du style et du mot précis.

    E.O. Je dirais que la précision du mot et du style fait ou doit faire partie de toute écriture. Au fait la compréhension de nos écritures réciproques est le résultat de nos traductions, l’une des manières les plus sûres de lire en profondeur. Nous voilà revenues à la traduction. J’aimerais encore parler de ton long poème écrit ces dernières années sur ton enfance qui m’a aussitôt interpellée. J’ai aussitôt eu envie de le traduire. J’y ai vu une nouveauté thématique dans ta production. Tu l’as intitulé « J’essaierai de toucher à mon nombril » et dès le premier vers tu écris « par l’imagination ». L’imagination : un élément qui caractérise ta poésie plus curieuse d’objectivité que de subjectivité. M.B. Je voudrais proposer une interprétation à ton intérêt et ton engouement pour ce poème d’enfance. Il ressuscite les années cinquante avec moult détails  la nourriture, les vêtements, des coutumes, des jeux d’enfant caractérisant ces années-là. Les souvenirs d’une fillette qui a grandi à Jaffa dans une vieille maison arabe. Ces fragments ont éveillé ton enthousiasme et ton désir de les traduire à peine parus sans doute, car ça correspondait aux années de ton arrivée en Israël. Tu avais treize ans et tu as connu de près ce dont je parle. Il y a là une rencontre de nos deux biographies.

    Maya Béjerano : poétesse et traductrice ; a publié plus d’une dizaine de livres de poésie en hébreu, réunis dans un recueil intitulé Fréquences (Hakibbutz Hameuhad, 2005) et deux livres de textes en prose ; lauréate du Prix Bialik (2002).

    Esther Orner : écrivaine, traductrice; a publié : Autobiographie de personne, (Metropolis, Genève, 1999) ; Fin et suite, (Metropolis, Genève, 2001), Petite biographie pour un rêve (Metropolis, Genève, 2003), Une année si ordinaire (Metropolis, Genève, 2004) Petites pièces en prose très prosaïque (Editions Autres Temps, Marseille). De si petits secrets, (Metropolis, Genève, 2006). Elle vient de publier Récits grammaticaux et autres petites histoires (Metropolis, 2008). Elle vient aussi d’établir une anthologie de poétesses israéliennes traduites en français (éd. Caractères, 2008).

    CONTINUUM NO.5

    HENRI MESCHONNIC ET L'UTOPIE DU JUIF. LE POàˆME : UN ACTE ÉTHIQUE (ENTRETIEN D'ESTHER ORNER AVEC HENRI MESCHONNIC)

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    E.O – Henri Meschonnic, vous êtes poète, poéticien, essayiste et traducteur. Est-ce que l’ordre dans lequel je viens de citer vos nombreuses activités vous convient ?

    H.M.  Poète, essayiste, traducteur. Oui il y a un ordre et en même temps tout interagit intérieurement. Mais pour autant que je me connais, je suis poète d’abord, et les poèmes que j’écris me font réfléchir sur la poésie, sur le langage, pour fonder la théorie du langage à partir des poèmes comme actes éthiques, qui transforment la théorie des sujets, par quoi aussi, pour moi, si un poème est d’abord un acte éthique, c’est aussi un acte politique, et ainsi la théorie du langage devient une poétique de la société. Et c’est l’écoute du poème qui me fait traduire comme je traduis, et spécialement la Bible. Ainsi toutes ces activités sont les aspects différents d’une seule et même activité, celle du poème.

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