« Paul Blaj, L'Aristocratie du grouillement» : un click sur l'image immédiate et éphémère du présent, par Angela Nach

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Le livre de poèmes «L’Aristocratie du grouillement» a été lancé en 2008 à la maison d’éditions Napoca Star Cluj-Napoca.

Dès le début on observe un esthétisme bipolaire  d’un poète d’une nouvelle génération qui communique par la poésie mais aussi laisse «parler» les images. Le volume est illustré avec de remarquables photos prises par l’artiste Raluca Bradea.

Le monde virtuel, l’Internet, le quotidien, dans un contexte mondialiste, donnent une note de fraîcheur  juvénile à l’ensemble. On sent une mutation, comme si l’écrivain écrivait avec aisance sur l’écran ou sur la pellicule d’un œil numérique.

Il compose en osmose avec Raluca Blaj  des «courts-métrages» ou «des documentaires» avec une encre sympathique (cigarette avec fumée d’abricots : « les abricots parlaient entre eux/avec les retraités aux fils de la patrie avec l’air…. .….parfois, après l’amour, les cigarettes/sentent le verger/la pluie, le savoir…»)

Dans la  Fabrique des épingles: «je décrivais le fou fatigué avec une bouteille de Cola/égaré à la maternité d’une métropole».

Pour Paul Blaj la poésie est un flash immédiat du présent – un click troublé ambigu, rarement violent: Personnification d’automne: «…j’aime énormément l’immédiat/sous la douche ; en voiture, dans l’église, en histoire,/dans les clichés  du bonheur….».

Ce sont les mots d’un pacifiste convaincu qui «adore les bruits que fait la Paix»…

Le Poète monte les différents versants de la poésie, explore des vallées et des montagnes d’un certain Présent réinventé par lui-même, qu’il veut saisir, conscient qu’il sera perdu dans l’instant qui suit, car par définition un «tel événement» ne se répéter a jamais à l’identique:

La Fuite de titre : «le microbus s’approche, mais c’était 37, pendant que certains montaient /je me rappelais comment j’apprenais au fauteuil sur lequel je mets ma serviette/ chaque jour qu’il soupire, je regardais aux fenêtres des HLM /alentour, parce que d’habitude le linge à sécher /me rappelait des tes joues par-dessus mes cheveux dans le vent».

L’amour et l’érotisme se croisent dans le volume avec finesse, pareil pour le désir et la sexualité; Le livre est traversé par un frisson doux, sensuel, tendre. L’auteur «se transporte» avec ses mots. Leurs «superficies» troublent notre propre intimité, comme si le désir et la beauté que l’auteur réunit dans le thème de l’amour sont dans une fusion complète : Exact au milieu d’un baiser :

 «j’aime dormir du côté /heureux du lit, j’ai dit «  exactement au milieu du premier baiser» où dans le poème Le désordre est une tristesse : «…je me disais tendu sur un trottoir mouillé/ivre de la chaleur de tes habits simples/sois la mienne, reine des miettes…»

Ce sont de vers jubilatoires d’un poète qui trouve par ses mots sa façon d’Exister dans ce monde.

Le mot poétique l’aide percevoir mieux, même  si la substance de la vie n’est pas faite que de poésie.

Fabrique d’épingles: «les livres pas encore lus me fatiguent/je les regarde comment ils restent  dans leur coin / innocents /je me regarde alors que je ne bouge pas dans mon coin /innocent…»

On entend  une voix de l’Espace Roumain, pour lequel  le poète nourrit une fascination profonde, une certaine magie  «plane» à la Garcia Marquez (filon à creuser, ses cent ans de solitude pourraient s’appeler  Muritoria online, car le monde moderne «grouille» par là…

Je veux un monde sans : «je me demande ce qu’il cherchait à l’église auprès du /père de son père au même moment de temps en temps le vieux /se retournant doucement vers le sang de son sang/lui disait :ces ombres sont mortes pour des idées,/s’il fallait mourir, tu mourrais  pourquoi toi, hein Marcel?»

Paul Blaj a été salué par des auteurs remarquables comme Constanta Buzea ou  Constantin Abaluta.

La poétesse roumaine l’a découvert et lui a écrit en 1997, qu'elle le trouvait «intéressé par les lectures et avec une culture qui s’annoncent solides, ça se voit dans les thèmes, le style, dans la joie du jeu subtil avec les mots, dans l’air du vocabulaire».

Le poème «L’Aristocratie du grouillement» est un vrai manifeste littéraire qui réunit à lui tout seul les qualités reconnues par de tas de critiques roumains: silencieux, tendre, avec une force intérieure, ironique, mélancolique jusqu’à la dépression, opposé à l’égocentrisme …

Le Poète  est dans un permanent aller /retour dans sa jeune vie, vers l’Eden  de l’enfance, le chaud et le froid, il est perçu comme un de meilleurs produits de l’école de Tecuci, d’où est issue la poétesse Marlena Braester, à laquelle il  dédie un émouvant poème…

«Avec ces pensées, un jeune homme vous salue écœuré/, d’une voiture qui l’ aime en cachette parce qu’il /lui a fait le plein …» . Paul Blaj pratique l’art sublime de la poésie, de son mystère, provoque son lecteur en lui faisant  chercher ses énigmes, car il porte la clé de la poésie en soi.